IN-NATURA
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avec oeuvres de Fabien Leaustic (à gauche) et Caroline Corbasson (à droite) |
Oeuvre produite avec le soutien de l'association Artaïs |
avec oeuvres de gauche à droite de Cécile Beau, Thomas Tronel-Gauthier, Caroline Corbasson et Fabien Leaustic. |
CATALOGUE d'exposition édité par l'Association Artaïs avec textes (par ordre d'apparition) de Marie Gayet, Marie Cantos, Sylvie Fontaine, Céline Maillard, Marie-Elisabeth de La Fresnay, Pauline Lisowski, Véronique Terme, Françoise Perrachon, Nadine Poureyron, Gilles Kraemer, Dominique Chauchat, Anne-Pascale Richard « Mais alors... à quoi rêve la matière ? Plongée au cœur de la matière, là où, entre les atomes, il n'y a qu'un terrifiant silence. Celui du cosmos et des fonds marins. Zoom massif dans l'éther. Travelling arrière dans les paysages parfois arides, parfois humides des temps suivants l'anthropocène. Bienvenu-es In-natura. Natura : la force qui engendre, étymologiquement. Et vous êtes convié-es à l'intérieur de cette nature (la préposition in signifie « dans » ou « sur » en latin), mais aussi contre, tout contre, envers et contre elle (le suffixe in exprime l'antonymie en français). Marie Cantos * Chose prétendument entendue. -------------------------------------------------------------- Un art oraculaire Traverser l'œuvre de Thomas Tronel-Gauthier nous fait vivre à la fois un voyage à travers le temps et l'espace, et un arrêt hors du temps, en terra incognita. Fossiles venus du fond des âges, les Moullusques (2009), moulages en porcelaine brute de moules à gâteaux imitent les agrégations des colonies de berniques. Venus du fond des eaux, les Récifs d'éponges (2007-2010), également en porcelaine blanche, mêlent éponges naturelles et synthétiques dans l'ambiguïté de leurs formes et de leurs fonctions. L'île engloutie, l'une des nombreuses traces de sa résidence aux îles Marquises, ou la Valise aux morphogénèses , nous invitent au voyage et au dépaysement, à la découverte d'autres contrées. Mondes réels et images mentales de mondes inconnus : tout ici se croise et se confond. Le voyage est aussi rencontres. Si l'humain est bien présent dans cette œuvre, il reste souvent discret, mais laisse transparaître l'intérêt de l'artiste pour l'Autre. Son travail accueille les singularités de ceux qui croisent son chemin. Ainsi, Ke'a tuki (2012) est une pièce composée d'un pilon en lave traditionnellement utilisé par les Marquisiennes et de répliques en plâtre dont la couleur tend au fur et à mesure vers le blanc. Cette évocation « d'un des derniers vestiges de la culture des ancêtres », en suspension entre ciel et terre, montre sa fragilité, et la vulnérabilité des sociétés humaines. Le choix du pilon, à la forme parfaite pour sa fonction, témoigne des recherches de Thomas Tronel-Gauthier sur l'origine des formes, que nous retrouvons par exemple dans les Peintures Noires (2014-2015), arborescences fractales issues d'un geste simple : écraser la peinture entre deux surfaces, puis les séparer. Et regarder ces objets physiques remarquables que l'artiste fait advenir en peaufinant ses gestes et en adaptant les outils au résultat souhaité. Les traces de l'eau sur le sable, de la marée, du flux et du reflux... « la mer, la mer toujours recommencée »*... Comment rendre compte de ses dessins, de ses modelés, lorsqu'on est plasticien ? Par l'empreinte, technique à la mise en œuvre délicate, pour un événement à la durée de vie située entre deux vagues ! Avec The Last Piece of Wasteland, Thomas Tronel-Gauthier, invente une technique de prélèvement et de fossilisation de l'impermanence. De cet objet de résine et de sable, il fait une icône inspirée de la statuaire bouddhiste : La Mécanique des fluides (2014), recouverte de feuilles d'or, en modifie le sens autant que l'esthétique. C'est à une transfiguration que l'on assiste. La mer, source de beaucoup des œuvres de Thomas Tronel- Gauthier se fait eau primordiale, fécondante. Dans le travail de l'artiste, les forces de la nature sont en œuvre. Tel un chamane, il capte les énergies et en solidifie l'essence en des icônes de cette religion laïque qu'est l'art. En cela, il redonne du sens à notre monde en déshérence. J'imagine une rétrospective de tout ce travail comme un ensemble ethnographique évoquant une civilisation disparue : les traces d'un monde perdu, d'une ville engloutie, d'une culture adoratrice de l'eau sous tous ses avatars, mais aussi férue de sciences ; des objets trouvés issus de cultes inconnus et mystérieux. C'est un voyage dans la mémoire, dans les récits de notre enfance, ceux que nous lisions et ceux que nous nous inventions, récits du passé et récits de l'avenir, préfiguration des traces que nous laisserons après la fin du monde (Les Oracles, 2013). Dominique Chauchat * Paul Valéry, Le cimetière mari
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