« Les hommes, en général, aiment mieux le crépuscule que le grand jour.
Et c'est justement au crépuscule que surgissent les fantômes »
Goethe, Le Grand-Cophte, Acte II, Scène IV
#transmutation #pouvoir #mysticisme #clair-obscur #baroque #apparat #transversalité
Révéler et réveiller les forces invisibles à travers la figure de Cagliostro, étrange personnage oscillant entre réalité et fiction, alchimie et science, ayant vécu au 18ème siècle.
« Les vies de Cagliostro » est une exposition collective autour de l'histoire mystique et politique des multiples vies de Joseph Balsamo, dit Comte de Cagliostro, pourvu d'une imagination débordante qui comprit très vite les besoins mystiques de son époque. Afin de cartographier les tenants et les aboutissants artistiques, culturels et socio-politiques des forces visibles et invisibles, cette exposition invite à entrer dans les systèmes de représentation en faisant appel aux champs cognitifs de la sociologie, de la science, de l'anthropologie et de l'histoire. Les artistes invité(e)s évoluent à la croisée de ces mondes et convoquent les rapport entre institution / non institution, autorité / résistance, possession / réappropriation.
Pendant des siècles, chimie et alchimie ne formèrent qu'une science. En alchimie, la transmutation de la matière désignait la possibilité de transformer une substance en une autre, voire un élément en un autre. Au final, l'alchimiste était supposé obtenir la pierre philosophale, qui aurait permis de transformer des métaux peu précieux en or ou d'obtenir l'élixir de longue vie. Mais après le Siècle des Lumières, une évolution commença à s'opérer, l'image de l'alchimiste prit une autre tournure, influencée en partie par l'attitude d'imposteurs et de charlatans qui ambitionnèrent de tirer quelques profits de cette discipline. De la science, l'alchimie a basculé dans la catégorie de l'ésotérisme, reléguée au rang de science occulte, et l'alchimiste, d'abord scientifique, chercheur érudit, autrement appelé «philosophe», fut croqué sous les traits d'un savant fou, voir d'un illuminé dans son laboratoire pactisant avec le diable. À la recherche des secrets de la matière et de la composition des métaux, ces adeptes de la chimie entendaient pourtant améliorer la nature, transmuter les métaux vils en or ou en argent, découvrir les secrets de l'élixir de jouvence, dans l'idée d'oeuvrer à un bien-être. Faite de symboles cachés, d'un langage secret, de métaphores, d'images, d'analogies, la transmission de ces savoirs est un récit qui nous entraîne à la frontière entre science et ésotérisme.
L'exposition trouve également son point d'ancrage dans les changements de vision du monde, celles qui travaillent les narrations officielles et les mythologies collectives. En période de mutations sociales, les luttes et révoltes tiennent lieu de systèmes de valeurs alternatifs sur le plan politique. Souhaitant recréer une communauté d'esprit et d'action, cette exposition tente de dénouer le noeud de l'héritage des nouvelles pensées critiques à l'épreuve des visions plus "inavouées" tels que la l'occulte, la magie et l'alchimie.
Marianne Derrien
Née en 1981 à Berlin, vit et travaille à Paris, Marianne Derrien est commissaire d'exposition indépendante et critique d'art. Elle a été chargée de mission pour les expositions à l'Académie de France – Villa Médicis à Rome. Membre du Collège critique du 59e et 60e Salon de Montrouge, de l'AICA et de CEA (Commissaires d'Expositions Associés), elle est commissaire de plusieurs expositions collectives dans des musées en France et à l'étranger.
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